Je tenais à dire combien j'étais fière de participer à ce festival, de voir mon travail présenté aux côtés de celui d'artistes et de cinéastes coréens, car pour ma part, je suis née à Séoul et j'ai été adoptée en France, et mon travail artistique n'a été considéré que deux fois dans ma vie parmi ceux de la diaspora coréenne, cette fois-ci bien sûr, et lors d'une exposition qui s'est tenue à Incheon il y a deux ans, à la plateforme d'Incheon. L'exposition s'intitulait Rice Paper Airplane et portait sur le travail artistique des Coréens de la diaspora. En effet, les Coréens adoptés sont souvent considérés comme ayant la nationalité de leur pays d'adoption. Pour ma part, en tant qu'adopté, je trouve que le sentiment était qu'il fallait se fondre dans la masse, s'intégrer, ne pas faire de vagues sauf bien sûr celle de l'excellence ou de la réussite.
En France, Fleur Pélerin, ancienne ministre de la Culture du président François Hollande, et Pierre Sang Boyer, chef cuisinier de renom, sont des Coréens adoptés qui font plus pour leur travail que pour leur identité. Cette success story pourrait s'arrêter là, et mon exposé, aussi court soit-il, pourrait aussi se terminer sans poser une question qui a été un thème récurrent dans ma vie. D'où venez-vous ? m'a-t-on toujours demandé devant mon visage coréen. A cela, j'ai toujours envie de répondre : Je suis d'à côté, je suis descendu acheter du pain, voulez-vous voir mon passeport ? Lorsqu'il rentre chez lui, le Coréen de la diaspora espère retrouver intactes les sources de ses souvenirs. Lorsqu'ils arrivent en Corée, les adoptés ont tout à construire : apprendre la langue, la culture, créer des liens affectifs forts avec les amis et la famille - une deuxième adoption, en somme. Ainsi, si le Coréen de la diaspora essaie d'obtenir quelque chose, l'adopté coréen essaie de trouver quelque chose. C'est là que le vrai voyage commence.
Daphné Nan Le Sergent, réalisatrice de Voyages dans nos Indes intérieures (2019)