Palestine, Québec
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2020
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9
mins
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Projection gratuite
Je marche sur la neige pour tomber dans le désert. Je me retrouve sur un territoire indigène non cédé dans ce qu'on appelle le Canada, un exilé incapable de retourner en Palestine. Je franchis la frontière coloniale en tant que spectre numérique flottant dans le parc Ayalon-Canada, transplanté sur trois villages palestiniens rasés par les forces de défense israéliennes en 1967.
Canada Park est un poème vidéo expérimental qui explore la politique de désapparition de la Palestine telle qu'elle est narrée, cartographiée et imagée dans Google Streetview et dans les photographies de paysages coloniaux du début du XXe siècle de la "Terre sainte", notamment sur le site du village d'Imwas, qui est théologiquement confondu avec Emmaüs, un village cité dans la Bible. Imwas est effacé et Emmaüs est marqué comme un site touristique religieux dans le parc, une prophétie scripturale et algorithmique auto-réalisée.
Le parc est situé entre ce qui est communément appelé le No Man's Land et Jérusalem. Le film explore cet espace de suspension absurde pour créer une contre-mythologie de ce lieu contre les forces religieuses, géopolitiques et capitalistes qui ont actionné leur imagination sur la Palestine, le peuple et la terre en réinsérant les quelques images documentant la Marche du Retour à Latroun qui a eu lieu le 16 juin 2007. Imwas n'est pas effacé. Elle est enfouie sous terre, un sous-commun, un ailleurs ici, où le colonialisme n'a plus de sens.
Je me réveille à nouveau, les pieds sur terre, dans ce qu'on appelle le Canada ; un autre parc, le territoire des Mohawks iroquois. Je marche sur la neige pour tomber dans le désert.
Razan AlSalah
Razan est une artiste et enseignante palestinienne basée à Tiotiake/Montréal. Ses films traitent de l'esthétique matérielle de l'apparition et de la disparition de corps, de récits et d'histoires indigènes dans des univers d'images coloniales. Elle travaille souvent avec des images sonores pour infiltrer les frontières qui nous ont séparés de la terre. Ses films sont à la fois des intrusions fantomatiques et des ruptures suintantes de l'image coloniale, qui fonctionne comme une frontière, comme un mur. Elle considère son processus créatif comme un cercle de relations avec des artistes, des amis, des familles, des technologies, des images, des plantes, des objets et des sons... Ces relations deviennent différents points d'entrée et de sortie vers des ailleurs, ici, où le colonialisme n'a plus de sens.
22 mai 2024 19h30
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22 mai 2024 21h00
Galerie Dazibao
Court métrage
kimura byol lemoine